samedi 13 novembre 2010

grenade

Les pavés lisses de Grenade sont rafraîchissants sous mes pieds. Je me hâte, car même les Gitanes, qui me tendaient, impérieuse, leurs brins de romarins, ne m’accordent plus aucun regard. Car la courroie de mon nu-pied a cédé et je me retrouve va-nu-pied errant dans les ruelles près de la catédrâle.

J’ai bien tenté d’entrer dans une boutique du vieux souk reconstruit et où s’entasse des colifichets touristiques. Une Espagnole peroxydée, à la choucroute débordante et à l’œil chargé d’eye-liner, me refuse un sac en plastique pour envelopper mes pieds.
Elle n’en a pas.
Sans me décomposer, je tends le doigt vers les sachets en plastique, sagement accrochés à côté de la caisse enregistreuse. Son regard devient torve - c’est toujours non. Une gêne qu’elle dirige contre moi. Je devrais avoir honte, mais je suis juste encolère et pendant une demi-seconde, je m’imagine bondir sur les sachets en plastique et partir en courant. L’absurdité de la situation me saisit. Je m’en vais et regagne mon hôtel. Dix minutes à pieds.
Les pavés lisses de Grenade sous mes pieds
D’autres pavés, plus granuleux, le long de quais où la Nieva impétueuse fait soulever sa couche de glace. Cette atmosphère ouateuse et dorée. Un griffon veillait sur mon sommeil, là tout près du canal Griboïedeva-
Me revoilà à Fribourg. Les mêmes feuilles dorées tapissent les rues qu’à St-Pétersbourg. Je passe sous une chouette dorée et je pense à Athéna. Je pense à toute la somme de connaissance que j’ai accumulée et qui dorme, inactivée, quelque part dans mon cerveau. Toute cette matière qui ne demande qu’à être couchée, ligne après ligne.
Toute cette chaleur sèche, un réconfort andalou. Tout comme les vols des martinets, là-haut dans le ciel. Seul cette mésaventure égaie le séjour d’une note sourde, une note jaune. Sur le mirador St-Nicolas, je regarde les carrés ocres de l’Alhambra, ponctués de cypres exclamatifs – même la nature se pâme – et je suis apaisée.
Impossible d’introduire ici un autre personnage. Seul des touristes américains prennent ça et là des photos. Mais sinon je suis seule. Je parle aux marchands de sandwich et aux Gitanes dans les rues, qui m’agrippent d’un guapa, guapa, dont je n’arrive qu’à grand-peine de me de délivrer.
ET puis je vais écouter le sommeil si doux d’Isabelle la Très Catholique, au double menton dont le tremblement est figée dans la pierre. Son beau-fils, Maxilimien, a une tête prognathe d’Habsbourg. Mais pour veiller sur les corps royaux, des fleurs bourgeonnent au plafond, alors que les grilles en fer forgés revêtent leurs plus beaux ors.
Parfois je suis lasse d’être touriste et j’aimerais pouvoir devenir transparente pour mieux saisir le quotidien des Grenadins. A deux reprises j’ai, d’un pas silencieux, tenté le coup. J’ai longé les longs couloirs de l’université, bourdonnants d’étudiants (fais-je encore illusion ?), avant de découvrir des patios poussiéreux, où des hibiscus débordent sur des fontaines en pierre.
Puis j’arpente l’hôpital, de patio en patio, entre des gens qui patientent pour le service de nécrologie. Je picore la vie – mais en fais-je encore partie ?

vendredi 27 août 2010

électricité dans les airs...

tout est lourd et j'attends que l'orage se déclenche, en écoutant une chanson nerveuse d'Arcade fire "we used to wait".
mais si le corps est alangui, l'électricité dans l'air aiguille le cerveau. Cependant tout reste infusé dans ma tête sans prendre une forme précise.
trente ans
j'y pense et puis j'oublie. j'y pense peut-être trop et ça m'a mangé tout un été d'avoir ce poids sans raison qui occupe tout l'esprit. J'ai perdu cette légèreté à force de me convaincre qu'il était désormais temps de la perdre
mais cela revient, tout reflue comme la marée, les idées, linspiration, l'envie d'apprendre des choses nouvelles, de voir des futurs conseillers fédéraux évoquer l'industrie des machines, de scruter une conseillère fédérale cligner des yeux, puis d'ébauche la biographie d'eugène haltiner.
comme quoi, on est parfois plus efficace dans des sujets auxquels on ne connaît rien.
je m'infuse, je diffuse, je suis une idée voleteuse, fureteuse et sans peur.
j'attends pour la pluie pour redevenir logique. l'ai-je été un jour?

jeudi 12 août 2010

gary shteyngart alors que la russie brûle

Ai enfin le livre que je trimbalais dans mon sac pour mieux supporter le train et les pauses de midi sur mon banc bernois envahi de fourmis. Je sais désormais pourquoi j'ai pris tellement de temps à feuilleter ce livre, au titre si nul (Russian Debutante handbook), mais au contenu si génial.
Encore une fois je ne peux que me satisfaire de cette vision anglo-saxonne de la littérature, la mieux à même de rendre compte d'une atmosphère, et au souci apportée à l'histoire plutôt qu'à la musicalité. Finalement la chanson et la littérature français ont ceci en commun d'être complètement intellectualisée et de laisser de côté le sel de l'histoire ou de la mélodie pour des constructions charmantes... et conceptuelles. (ce n'est pas une critique, j'adore les deux... enfin quand ça ne tombe pas dans la variété).

Bref, ce livre m'a transporté à Prava, ville décalquée sur Prague, et sur tout cette atmosphère des expatriés occidentaux cherchant un sens à leur vie dans les décombres de l'empire soviétique. J'y ai trouvé un miroir déformant de mes propres aspirations en Russie, vivre plus libre loin de l'ennui helvétique. Et pourtant j'en étais consciente. et je savais, comme dans la chanson de pulp "common people" qu'à tout moment je pouvais partir et rejoindre le confort des salles de bain suisses et de la Migros.

C'est ce que j'aime chez les Russes, leur lucidité à se savoir observer comme dans un zoo par les expatriés occidentaux, qui jamais ne s'avouent leur basse motivation exotique.
Dans ce livre, le héros, un juif russe émigré depuis quinze ans aux USA, se retrouve à Prava et y rencontre une Américaine qui s'entiche de loin. A un moment donné, il s'aperçoit que l'ex de la Yankee est un pauvre Européen de l'ESt, engoncé dans un costume ridicule et avec une coupe de cheveux. Et il se rend compte qu'il n'en est pas si éloigné, sauf qu'il possède un passeport américain, et qu'il est d'un exotisme supportable pour l'Américaine.

Bref, le feu embrase toutes les Russies, j'y pense chaque nuit, espérant qu'il y pleuve, et je sais que je n'ai aucune prétention à me sentir proche des Russes, et je sais que j'oublie même le mot "agon" et que je n'ai jamais su comment on disait incendie.
Je me rappelle néanmoins de la paralysie générale du pays, engoncée dans la corruption et un immobilisme des services publics, hérité du soviétisme.

mardi 27 juillet 2010

1er août


A l'approche du premier août je me sens prise d'une suissitude aigüe. Et je parcours inlassablement (euh... mal aux pieds toutefois) monts, montagnes, petits mamelons itou, de la campagne fribourgeoise. C'est ainsi que je me suis aventurée dans la vallée du Motélon, jusqu'aux chalets aux noms islandais (Varvalanna ....), pour accéder à une croix fleur-de-lisée, puis redescendre par un plateau oublié des hommes et repeuplé de rhododendrons... C'est là que se tient cette cabane, qui n'est plus utilisée pour l'alpage.




chalet des merlats, au fond le vanil du van que nous avons foulé de nos meindl ! Bon, bref, des paysages comme ça, ça réveille l'Heidi qui sommeille en moi... et me voilà en train de déguster un sirop de http://www.jardinsdesmonts.ch/ (jetez y un coup d'oeil, seulement pour le découpage (j'addddddooooooore le papier découpé je vous ferais un post là-dessus un de ces jours). Un sirop de nepeta citronnée, je précise, qui est épatante...


Une toile de Giovanni Giacometti, le père de....



tant de bucolisme pour me dire qu'en effeuillant la blogosphère je suis tombée sur un article de Pandora (http://www.misspandora.fr/?s=segantini) qui parlait de Giovanni Segantini. Les toiles représentées m'ont immédiatement fait penser à du Hodler, ou alors au père de Giacometti, qui se prénommait Giovanni, des peintres présent au tournant du XIXe siècle dans les vallées italophones des Grisons (val Bregaglia) .


J'adore ce style de peinture, et un petit tour il y a quelques années dans le Kunstmuseum de Coire m'a définitivement convaincue de la vitalité artistique de la région .

Transcrire la montagne et retraduire ce foisonnement fauve, ces couleurs qui s'entrechoquent, cette lumière particulière..

mardi 11 mai 2010

la grèce sombre

Le plus vieil olivier de Zakynthos
(au premier plan, un pope, l'un des nombreux
fonctionnaires publics qui ont contribué
à grever le budget du pays)
Un pays qui risque le naufrage...




relié à l'euro par une cordelette










dimanche 9 mai 2010

femmes pirates

Tout a commencé pour le mal. Des resucées féministes de la vieille école, une québécoise fringuée comme un sac qui souligne que "s'habiller comme un homme c'est déjà la liberté", en fustigeant les "poupées qui veulent faire la belle".
Je ne sais pas si c'est le discours ou la réaction des bobos de cinquante ans autours de moi, chignon grisonnant non teint et étole en soie sur camisole en lin pouffant de rire, qui m'énervaient le plus.
Mais quelques perles de poésie émergeaient : choisir qui va se coucher sur la terre et qui va "embarquer sur lui" (un bon prélude aux histoires pirates).

Bref, je me dis que le temps va être long et m'apprête à m'assoupir, lorsque soudain, la conteuse entre dans le vif du sujet . J'embarque avec elle, savourant la musique des mots et des images ("j'enterrais ma poupée à côté de mon frère" décrit la fillette forcée à prendre l'identité de son frère mort).
Ancienne gare, fribourg: il reste encore quelques contes

mercredi 5 mai 2010

marinière


le printemps est là, qui me donne des envies de marinières. Mais en bon zèbre que je suis, j'ai enlevé les rayures et me suis contentée d'un noeud.

Tout n'est pas perdu et les lunettes sentent la brume marine