jeudi 10 juillet 2014

L'arctique, un nouvel eldorado? Yamal LNG, une usine à gaz au delà du cercle polaire/UPDATE

Un gisement de gaz naturel, une usine pour extraire et liquéfier le dit gaz, des bateaux spécialement conçus (des méthaniers) pour le transporter aux quatre coins du globe...
Vous me direz, pour le moment, rien de nouveau sous le soleil.

Mais le projet d'usine initié par le consortium Novatek-Total-CNPC, dispose d'une caractéristique de taille, qui le distingue instantanément de tout ce que vous avez pu lire à présent.

Il est situé bien au-delà du cercle polaire, au milieu de la Russie, entre la Norvège et la Chine, tout tout tout au Nord.

Yamal LNG tel est le nom de la future installation. C'est du lourd: un investissement qui tournerait autour de 27 mrd  USD sur 15 ans.

Sur la péninsule de Yamal se trouve des gisements  de gaz naturel, et Yamal LNG va exploiter le champ de Tambey. Le consortium vise une production de 16,5 millions de gaz par an. Il s'agit non seulement d'extraire le gaz naturel, mais également de le conditionner sous forme liquide pour permettre son transport. Le site est tellement isolé qu'il n'est accessible que par hélicoptère.

Sur son site internet, Total détaille le projet: 200  puits qui vont être creusés, trois trains de gaz naturel liquéfiés (c'est-à-dire des usines destinées à liquéfier le gaz pour facilier son transport). Le gaz ne sera pas transporté par gazoduc, mais emprunter la voie maritime à l'aide de 16 méthaniers brise-glace. Oui des brise-glace car les bateaux vont emprunter une nouvelle voie maritime: par les mers arctiques.

UNE NOUVELLE VOIE MARITIME

Et c'est historique: car pour la première fois depuis le XVIè siècle, on faire route à travers des voies qui demeuraient jusqu'alors inaccessibles aux hommes. Le passage du Nord-Est, l'arctique.

Du port de Sabetta, les brise-glace porteurs de gaz naturel liquéfié vont prendre la route de l'Ouest pour le livrer en Europe, et durant l'Eté, vont se frayer un passage vers l'Asie à travers le passage du Nord-Est, un passage que les glaces jusqu'alors avaient interdit à l'humanité d'emprunter.

Grâce (ou plutôt à cause) du réchauffement climatique, un nouvel horizon s'ouvre aux entrepreneurs de tout poils, pour une planète en quête de source d'énergie. On peut gloser sur les risques, sur les réels besoins, mais la réalité est là: il est devenu désormais rentable d'investir au milieu d'un environnement très difficile.

J'avais cru que l'exploitation des ressources sises au-delà du cercle polaire constituait elle aussi une avancée historique. Mais Mika Mered, analyste auprès du groupe Polarisk, a douché mon enthousiasme. " En fait, 10% du pétrole mondial et 25% du gaz viennent de l'Arctique", m'a-t-il expliqué. Et ce l'exploitation des ressources arctiques ne date pas d'hier. "Depuis les années 70", me précise-t-il.

"L'Arctique est grand et l'Alaska comme l'Arctique russe sont déjà développés en onshore. En fait, la nouveauté ici c'est qu'ils vont développer le offshore", souligne-t-il à propos du projet Yamal. "La route maritime du nord est un développement qui a débuté en 2013", a-t-il toutefois concédé.

L'arctique est-il le nouvel eldorado?

S'il ne faut pas négliger l'avancée que constitue ce passage du Nord-Est, quelque chose de romantique au final, il faut également être critique.

Comme dans toute ruée vers l'or, il serait bon de prendre le temps de se poser les bonnes questions (impact environnemental: ne risque-t-on pas d'envenimer le réchauffement? pourquoi un tel besoin énergétique: ne faut-il pas mieux rechercher des alternatives plutôt que d'exploiter en terrain hostile).


(port de Sabetta en mai 2012, photo Aidar Amanov)

La coentreprise Yamal LNG détient l'autorisation pour explorer et exploiter le gisement de gaz naturel de Tambey Sud (Yazhnoye Tabeyskoye) jusqu'en 2015. Cette réserve a été découverte en 1974 et est située au nord-est de la péninsule de Yamal, à proximité de la mer.  Fin décembre 2013, on estimait que ce gisement contenait  492 milliards de mètres  cubes (billion cubic metres) de gaz.

La première usine de liquéfaction (un train de gaz) devrait ouvrir en 2017. La construction du site va bon train: quelque 3000 ouvriers se trouvent déjà sur le chantier.

La production est d'ores et déjà en partie vendue: selon Novatek environ 75% a déjà trouvé preneur  dans le cadre de contrats à long terme. Selon l'AFP, les marchés se trouvent principalement en Asie. Le solde a été vendu en Europe.

Novatek a annoncé fin octobre 2013  avoir conclu avec le groupe espagnol Gas Natural Fenosa un contrat à long-terme portant sur 2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par année, ce qui équivaut à 3,2 milliards de mètres cubes (billion cubic metres). Cette quantité représente neviron 10% de la consommation annuelle en gaz naturel de l'Espagne.

UPDATE: avec indications données par Mika Mered du groupe Polarisk.