mardi 16 mars 2021

L herbier



La Sarine gonflée roule ses flots verdâtres

Comme des billes de verre de l’adolescence

Quand l’ancien nouveau monde n’avait pas pas encore coulé


Et là un ou deux châtons pour gonfler tes yeux

Verdâtres comme des billes de verre de l’adolescence

Pollen mais pas ce trouble dont je croyais me souvenir

Et qui n’a jamais existé


Car nous nous étions jamais vu

Et si les saules autour de nous pourraient nous étreindre

Flexibles lianes qui écoutent nos silences


Dans une possible reverdie

Où quarante peut être divisé par deux


Mais ce souhait je suis seule à le créer

Mot à mot, 

À chaque pavé foulé de nos pas

Et le sable pris dans la molasse

S’égrène désormais pour nous


Figés nous n’allons nulle part


Seule je dessine un mouvement

Sur ce papier


Plaçant ce moment entre deux feuilles

Et le faisant sécher pour qu’il renaisse un jour


Comme si nous avions été un jour

N’est pas 


comme n’est pas cette fleur que je croyais cueillir

À placer dans mon herbier


Et le mur fait des galets de rivière

Ta façade préférée

Libre et sans chaux

Et l’herbe inconnue qui pousse dans le tuf

S’échappant de la pierre


Tout cela ne sera pas pour nous

Et figée je suis prise dans le piège de mes mots


A la fontaine pleure l’historiette 

Où j’avais tenté de noyer mon ennui

Le buvard a pris l’eau 

Et la fleurette n’est plus


Je remonte vers la ville haute

En train de croire à mon souvenir

Mais l’illusion ne dure


Je trouve près du funiculaire 

le magnolier encore fermé

Le remugle sans la beauté


Et tout ce qui constituait le souvenir inventé

Plane comme une promesse au dessus de la ville vert-de-gris

Les mots lassent

comme la pierre sous la pluie

Et ce froid de mars


Et toi tu vas t’ensabler plus loin

Sans avoir esquisser de mouvement


Si je dois d’apporter une rançon

Ce sera une cuirasse de mots

Afin que tu me désarçonnes

Me désarmes

M’abandonne

jeudi 4 février 2021

A fond de cale

 Je te regarde et tu te dis proclame l’affiche

Un homme en tresse te regarde

D’un air doux et profond

Et tu dis justement que son regard est interrogateur

Il te demande où étais-tu pendant qu’il était enchâiné par fond de cale

Le regard non pas accusateur, mais qui sans fin demande: pourquoi?

Pourquoi enchâiner des hommes, traverser les océans leur faire, en frêt

Frêle embarcation pour de si valables cargaisons

Non comptées en âme, mais en forces de production

Ramasser du coton, pousser les charrues, à la force de leur muscles enchaînée

 

Tout cela tu le devines dans le regard

 Et tu répond tu crois savoir que j’étais boucle poudreuse

Robe en crinoline ou coiffure à la pompadour

Depuis quand cela dure ? Si long que je change de coiffure

En vrai je devais être robe de bure à genoux dans la boue

Mais sans excuse, car rien de vie aussi dure

Qu’une vie privée de liberté

Qu’une vie qui nous est volée

À force d’être réduit à l’état 

De force vive

Force de production

 

Les muscles depuis longtemps réduits en poussière

 Et pourtant à fond de cale

Les bateaux coulés par les tempêtes

Les fers entourent toujours les frêles os

A jamais enchaînés

Le frêt 

et il faut davantage que fredonner leur vie

Leur âme gisant aux fonds des mers

Les faire voler au-delà, jusqu’à la forêt maternelle

Et c’est cela que je me dis quand tu me regardes

Je me dis que j’aimerais pouvoir chanter leur vie indomptable

Leur non moins frêles âmes

Et la tienne tout autant, mon ami.