jeudi 4 février 2021

A fond de cale

 Je te regarde et tu te dis proclame l’affiche

Un homme en tresse te regarde

D’un air doux et profond

Et tu dis justement que son regard est interrogateur

Il te demande où étais-tu pendant qu’il était enchâiné par fond de cale

Le regard non pas accusateur, mais qui sans fin demande: pourquoi?

Pourquoi enchâiner des hommes, traverser les océans leur faire, en frêt

Frêle embarcation pour de si valables cargaisons

Non comptées en âme, mais en forces de production

Ramasser du coton, pousser les charrues, à la force de leur muscles enchaînée

 

Tout cela tu le devines dans le regard

 Et tu répond tu crois savoir que j’étais boucle poudreuse

Robe en crinoline ou coiffure à la pompadour

Depuis quand cela dure ? Si long que je change de coiffure

En vrai je devais être robe de bure à genoux dans la boue

Mais sans excuse, car rien de vie aussi dure

Qu’une vie privée de liberté

Qu’une vie qui nous est volée

À force d’être réduit à l’état 

De force vive

Force de production

 

Les muscles depuis longtemps réduits en poussière

 Et pourtant à fond de cale

Les bateaux coulés par les tempêtes

Les fers entourent toujours les frêles os

A jamais enchaînés

Le frêt 

et il faut davantage que fredonner leur vie

Leur âme gisant aux fonds des mers

Les faire voler au-delà, jusqu’à la forêt maternelle

Et c’est cela que je me dis quand tu me regardes

Je me dis que j’aimerais pouvoir chanter leur vie indomptable

Leur non moins frêles âmes

Et la tienne tout autant, mon ami.