Je te regarde et tu te dis proclame l’affiche
Un homme en tresse te regarde
D’un air doux et profond
Et tu dis justement que son regard est interrogateur
Il te demande où étais-tu pendant qu’il était enchâiné par fond de cale
Le regard non pas accusateur, mais qui sans fin demande: pourquoi?
Pourquoi enchâiner des hommes, traverser les océans leur faire, en frêt
Frêle embarcation pour de si valables cargaisons
Non comptées en âme, mais en forces de production
Ramasser du coton, pousser les charrues, à la force de leur muscles enchaînée
Tout cela tu le devines dans le regard
Et tu répond tu crois savoir que j’étais boucle poudreuse
Robe en crinoline ou coiffure à la pompadour
Depuis quand cela dure ? Si long que je change de coiffure
En vrai je devais être robe de bure à genoux dans la boue
Mais sans excuse, car rien de vie aussi dure
Qu’une vie privée de liberté
Qu’une vie qui nous est volée
À force d’être réduit à l’état
De force vive
Force de production
Les muscles depuis longtemps réduits en poussière
Et pourtant à fond de cale
Les bateaux coulés par les tempêtes
Les fers entourent toujours les frêles os
A jamais enchaînés
Le frêt
et il faut davantage que fredonner leur vie
Leur âme gisant aux fonds des mers
Les faire voler au-delà, jusqu’à la forêt maternelle
Et c’est cela que je me dis quand tu me regardes
Je me dis que j’aimerais pouvoir chanter leur vie indomptable
Leur non moins frêles âmes
Et la tienne tout autant, mon ami.