dimanche 4 novembre 2018

La fresque interrompue III

Elle se retourna sur le côté, chercha en tatônnant le réveil. 05h45. Le temps de se lever. Chaque réveil était une souffrance, d’autant loin qu’elle se souvienne. Se déshabiller dans la salle de bain froide du chauffage encore inenclenché. L’eau de la douche sur la peau, trop matinale pour être bienveillante. Avec le temps, elle avait appris à se maquiller même à moitié endormie, réduisant ainsi les ravages des insomnies et des rêves étranges.
Elle mettait son casque et enclenchait la musique et filant encore endormie, elle se laissait porter en bus, en train, en bus et enfin en tram jusqu’aux franges de Genève, oÙ l’attendait son stage.  Elle avait déniché contre toute attente un travail payé au lance-pierres dans une vieille institution, logée dans un vieux bâtiment dont l’air d’hôpital vieillot laissait transparaître l’histoire caritative.
Elle travaillait dans la nouvelle aile, enfin « Nouvelle » pendant les années 70. Elle arpentait des couloir en pente, à la moquette bleue. Auparavant, elle avait gravi la pente depuis la place à la chaise à trois pieds, passé devant deux ambassades antagonistes, monté les escaliers puis traversé la petite place ombragée par le magnolia. Du goudron, le trottoir un peu défoncé, des pavés… elle ne levait guère les yeux en marchant.
Bientôt elle serait à son bureau, cet open Space infernal, et devrait s’agiter. La moquette bleue était le dernier signe d’apaisement, un purgatoire, avant de se lancer corps et âme dans son travail. Rétive, elle ralentissait avant d’arriver au bout du couloir.  Et toujours ce soupir imperceptible en ouvrant la porte, ce refus mental. Pourquoi ne pouvait-elle pas être heureuse de son boulot ?

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