samedi 15 novembre 2014

Feintise ludique

On va faire comme si.
On va dire qu'on sera des aventuriers. Tu vois, moi, je serai la princesse indienne, en fait non, je suis pas vraiment indienne, j'ai été kidnappée dans ma famille à la naissance, et je vis dans la tribu, tu vois. C'est des Lakotas, hein c'est joli comme nom tu trouves pas? Hein tu sais ce que c'est des Lakotas? c'est des Sioux, mais il faut pas dire Sioux hein, en fait il faut pas dire Indien c'est raciste, la maîtresse elle a dit qu'il fallait pas...

L'enfant continuait à produire son discours bourdonnant. Adèle le tenait à distance, avec des pincettes, et dodelinait de la tête, émettant des "hein, hein" qui pouvaient être pris comme des encouragements. Mais elle était ailleurs, prise aux pièges de ses propres pensées.

Je me réduis. J'ai une vie rangée, et pourtant cette vie me rétrécit. J'avais des rêves pourtant. Mais ma vie se borne à scruter des écrans d'ordinateur. Et a nourrir le ticker, comme disent les mecs du marketing  pour donner un sens au vent qu'ils vendent. Tic tac. Comme celui d'une horloge, dont le chant raccourcit notre vie. Comme celui d'une bombe. Comme j'aimerais pouvoir tout envoyer balader.

Je m'adapte à toute forme de réalité. Je suis un tout-terrain. Je ne fais que découper la vie en faits et je me dessèche au même rythme que j'aligne sur le fil les dépêches, comme des perles sur un collier. Mais où est le gras de la vie? Celui qui donnerait du goût à mon univers? J'ai faim de fiction, d'histoires inventées.

De magnifiques mensonges qui tisseraient des histoires chatoyantes.

Et pis toi tu sera la femme de shérif, ou alors même le shérif. tu pourras courir après les méchants, Maman dit que tu travailles beaucoup, tu seras capable toi de courir après les méchants.

oui peut-être la petite a raison après tout. Peut-être qu'elle tient de moi? Adèle pressa la main de sa nièce, interrompant un instant le flot des mots. La marée marqua un arrêt, avant de repartir de plus belle.

Et puis tu sais quoi, en fait, on habite Paris, le monde s'appelle Paris, et moi dans mon sac, je peux y mettre le monde entier.

On va faire comme si. Comme si tout avait un sens. Comme si les murs de la réalité pouvaient s'incurver, gondoler et laisser de la place aux plis.

Cachée, secrète, j'y serai tapie et je pourrai me réinventer à souhait. Tisser mon identité à partir d'un tapis de mots. Comme si.


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