mercredi 4 mars 2009

true lies


mentir, un peu, beaucoup, passionnément, par omission, en pensée, en paroles et par action....
La fiction et l'autofiction : jusqu'à quel point la face qu'on présente au monde est en adéquation avec ce qu'on ressent au fond de soi-même ?
Chaque individu n'est qu'une somme, une construction qu'il s'agit de laisser voler aux vents des circonstances. Le baroque disait que le monde n'était qu'un théâtre : tenons notre rôle avec brio, laissons filer le temps filandreux et tissons-en nos plus belles années, avec des étoffes d'espoir et parfois d'amertune.
Si chaque artiste se projette dans son oeuvre (et parfois en y apportant plus d'un élément autobiographique (que ce soit la bourgade haineuse de Payerne ou le grand-père collabo)), correspond-il exactement à la personnalité publique qu'il se construit ?
Chappaz était-il vraiment ce poète désintéressé et zen, alors qu'on le sent si préoccupé de contrôler - jusqu'au dernier instant - son oeuvre ? Chessex est-il vraiment cet être de glace, au regard assassin, confit dans son intellectualité - alors que son oeuvre n'est que sensualité - certes cruelles, mais si belle - et mysticisme ?

Quant à Emmanuel Carrère, il a droit aux louange de Libération (la critique de son dernier livre est paru aujourd'hui en première page, sous le titre Evenement). J'avais beaucoup aimé son "Roman russe", tout comme l'adversaire; alors que tout en moi aurait dû être révulsé par l'autofiction (je n'aime pas le déballage gratuit, surtout à la Catherine Millet, son "regardez-moi comme je baise na na na " que je trouve tellement puéril et vain), celle-ci est pensée et absolument argumentée au fil des passages. L'auteur n'hésite à s'auto-flageller (cet homme qui a la chance d'appartenir à l'élite, contrairement à sa compagne - "qui chaque jour doit prendre le métro"). La peinture d'un être perdu - dont on ne remarquait pas les mensonges (et par conséquent l'existence, car comment peut-on ne rien remettre en question dans la vie d'un homme pendant vingt ans, en acceptant la routine), c'est-à-dire qu'on ne questionnait pas et qui n'existait pas (car le mensonge peut faire vivre, mais aussi faire mourir, comme dans le cas de Romand) - pose de manière cruelle l'ambivalence du mensonge : indispensable dans la création (car feintise ludique partagée, comme disait l'autre) ou mobile d'assassinats. Pour ne pas décevoir sa famille Romand a préféré la décimer. J'y pense chaque jour en scrutant les visages des fonctionnaires de l'OMS que je cotoie dans le bus 8 (ou F) au départ de Cornavin, Genève.

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