lundi 8 décembre 2008

chronique hivernale 2007


Ps : voilà le texte d'une petite chronique concernant mon hiver en Russie...

Je survis à une température glaciale. Malheureusement, je ne peux pas édifier les foules par mon courage à toute épreuve, car les thermomètres publics ne sont pas légion dans cette ville. J’ignore si c’est pour ne pas trop mettre à mal le moral des Russes ou des étrangers, ou si cela fait également partie « des plans de Poutine ».
Malgré l’hiver les rues sont garnies de jolis calicots. A chaque carrefour se déploient des banderoles, du même type qui barre le boulevard de Pérolles pour le festival du cinéma. Mais sur les banderoles, pas de programme de concert, pas de pub pour Anna Netrebko, posant en anglaise et robe blanche pour son prochain rôle (La traviata, au Marinsky, ne bavez pas j’ai pris la dernière place à moins de cent francs, hi hi, soixante francs pour une star mondiale de l’opéra, Bjork peut aller se rhabiller, j’ai ma vengeance)….bref, je me perds, donc pas de contenu culturel, mais des slogans politiques :
Plan Poutina, Pabieda Rossii
Plan Poutina, Sila Peterbourga

Ce qui donne : le plan de Poutine : la victoire de la Russie (je me demande bien sur qui)
Le plan de Poutine : la force de St-Petersbourg
Le programme se décline également sur les vitres intérieures des marchrutka (bus privés que j’emprunte quotidiennement et où je prononce la phrase fatidique : astanavitié na astanovkie pajalousta (arrêtez à l’arrêt, svp, tout ça pour ça et oui)), où le lecteur apprend qu’il a sa place dans le programme de Poutine (« tu es dans le plan de Poutine : travail, habitat », et un autre mot compliqué que je ne connais pas). Le nom du parti politique de Poutine : Edinnaya Rossia (une Russie unique) : voilà pourquoi le parti de Kasparov s’appelle « une autre Russie ». Et j’apprends en lisant les journaux (anglophones…) que le maître du pays a développé toute une philosophie politique, la « sovereign democracy », ce qui veut en gros dire que la Russie ne veut pas se calquer sur les démocraties occidentales mais exister au contraire de façon indépendante. La ligne politique est claire : se poser en superpuissance et affirmer coûte que coûte la validité de son modèle –forcément particulier- face à l’Europe ou aux Etats-Unis.
[...]
On a bien rigolé en voyant que Catherine II était enterrée à côté de son mari, qu’elle a fait assassiner… Le pauvre, comment ne pas échapper à une mégère, même après sa mort…St-Pierre et Paul contient également ce qui reste de Nicolas II, de sa femme et de trois de ses filles. Le tsarévitch et une grande-duchesse manquent à l’appel, même si cet été, on a parlé de découvertes d’ossements à Iekaterinbourg (lieu du massacre), et de test ADN.



Donc voilà la sépulture du dernier tsar de Russie. Je vous mets la photo, parce que c’est historique qu’en 1998, 80 ans après son assassinat, le gouvernement de l’époque ait fait enterrer les restes du tsar que le régime bolchevik avait assassiné. Mais c’est symptomatique de la Russie et de son incapacité à digérer l’époque soviétique : certes, ils sont enterrés, et le jour où j’ai visité l’église, il y avait une rose rouge sur le sol de la chapelle (on ne peut pas y entrer, photo prise depuis la porte), mais ils sont cachés dans une petite chapelle intérieure, alors que les autres tsars ont droit à un énorme sarcophage de marbre posé à même le sol de l’église…
Je parle d’oubli, ou d’incapacité à digérer – ou à même parler de son passé… car le 7 novembre 2007, j’ai vécu les 90 ans jours pour jours de la révolution d’Octobre… je m’attendais à quelque chose…. Bref, la révolution d’octobre (de novembre d’après le calendrier grégorien, mais le calendrier julien que l’église orthodoxe, ne voulant pas plier devant le pape, avait conservé a 13 jours de retard sur notre calendrier) 1917 n’est plus fêtée. On a substitué un « jour de l’unité du peuple », le 4 novembre, fêtant la victoire des boyards moscovites sur les milices polonaises qui avaient alors envahi la capitale en 1612 (des Polonais à Moscou ? c’est fou mon ignorance, chaque jour on apprend quelque chose…).
En passant, il paraît que c’est un geste politique, hautement anti-occidental, que Poutine a instauré cette fête en 2005, soit après la révolution orange en Ukraine…….Mais officiellement, c’est parce que les gens avaient besoin d’un jour chômé en novembre, et qu’il fallait remplacer la fête de la révolution par autre chose… D’ailleurs c’est également la fête de la Vierge de Kazan, Boje materi : l’icône de Kazan passe pour faire des miracles, et a notamment arrêté les troupes tatares assiégeant Kazan du temps d’Ivan le Terrible. Elle se trouve maintenant dans l’Eglise du même nom, une atrocité néo-classique sur la Nievsky, qui se veut une copie de St-Pierre (ah ah ça m’a bien fait rire quand j’ai lu ça), à côté des drapeaux des régiments napoléoniens et des clés de Lübeck et de Nancy, prises aux Français lors des campagnes de 1815…
Je m’égare également : je voulais vous parler de la Révolution d’Octobre. Dans une ville qui a laissé deux statues de Lénine sur la Bolchoi Prospekt de mon île (je vous amènerai les photos la prochaine fois, j’ai marché à côté l’autre jour, mais le visage de Lénine est si impressionnant que je n’ai pas osé faire la touriste…. C’est pire que le cavalier de bronze ces statues soviétiques, ça fait froid dans le dos : leur pose est surhumaine et très hautaine… le bras levé, torse bombé, fixant le sens de l’Histoire qu’ils ont réussie à domestiquer…), je m’imaginais naïvement que toutes les fautes étaient retombées sur Staline et que Lénine n’était pas condamné (j’ai beau essayé de parler de ça avec les gens que je connais, leur passé est tabou, impossible de savoir leur opinion sur la transition que vit leur pays…)…Mais la révolution d’Octobre n’est fêtée que par une poignée de « fanatique » (le mot est de ma prof de russe), le parti communiste actuel – il existe toujours, et d’ailleurs même la fameuse Pravda que je croyais enterrée : une jeune femme la lisait ostensiblement dans le métro, Pravda en rouge, le portrait de Lénine à côté, et une photo noire et blanc où se détachait le rouge des banderoles : « nacha pabieda : notre victoire, désignant probablement le fameux 7 novembre…
Donc pas de cérémonie, rien, si ce n’est la neige, qui a décidé de faire son apparition ce jour-là, nimbant le champ de Mars de blanc : le feu pour les victimes de la Révolution y brûle toujours, et ce jour-là, je m’en suis approchée, il est vrai plus pour me réchauffer que pour verser une larme. Je vous enverrais bien une p hoto, mais les appareils numériques n’aiment pas les températures en-dessous de zéro. Donc une photo symbolique, la prise du Palais d’Hiver . Les troupes de Trotsky n’ont rencontré qu’un bataillon de femmes défendant le fameux Palais, qu’ils ont violé (selon Joseph Brodksy), très peu de morts. Le chef du gouvernement provisoire, Kerensky s’est enfui en se déguisant en femme (a-t-il échappé au viol ? hi hi) et est mort en exil aux Etats-Unis dans les années 70 je crois. Et le comité bolchevique a investi les environs de l’institut Smolny pour gouverner la ville.




Voilà l’église principale du couvent de Smolny, que Rastrelli construisit. C’est du baroque russe, et c’est joli. (ou la la, à la relecture, je vois que je fatigue, le style est moins fleuri) Sinon sachez que l’église Pierre-Paul (jacques) fut construite par un Tessinois (Trezzini) qui lui est responsable du baroque pétrovien (de l’époque de Pierre le grand), des très jolis bâtiments moins boursouflés et plus nordiques. D’ailleurs la flèche très haute qui couronne l’église Pierre-Paul est rare dans l’art baroque : Brodksy en parle comme d’une « aiguille qui aimante la ville »… c’est vrai que les flots qui l’entourent coulent constamment, tout ce liquide qui s’en va, nous fuyant, et nous restons sur les ponts à les regarder s’échapper… Mais cette ville où le baroque reste triomphant (malgré tout la rigidité classique et néo-classique) est dans sa géographie même en mouvement : saviez-vous que les fameuses inondations sont causées par le vent en provenance de la Baltique, qui fait rebrousser chemin à la Niéva, l’empêchant de se jeter dans la mer… Voyez je vis dans une ville où le flux des fleuves s’inverse parfois… Ca fait des tourbillons, et la Nieva valse…et tout peut arriver
D’ailleurs
« la texture granuleuse des pavés de granit voisinant avec cette eau qui coule, qui s’en va toujours, contient quelque chose qui imbibe les semelles d’un désir quasi sensuel de marcher » (brodksy toujours)…


ps : dès que j'aurai du temps devant moi je retrouverai mes photos dans le fouillis de mon ordi et les publierai avec le billet. Prenez patience

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