samedi 10 janvier 2009

Légende de la belle pétrifiée

Nous ne serons jamais vieux, mon aimé, nos corps pris dans les gangues minérales seront toujours beaux et vigoureux et je lancerai toujours vers toi mes formes, mes collines se rejoignent et frissonnent, le chant des oiseaux, le frissonnement des feuilles, tout cela va vers toi, cela est mon chant, ne m’oublie pas mon bien-aimé, nous serons toujours l’un pour l’autre. Regarde, ma tête est alanguie, je tourne vers le ciel mes regards assombris par l’érosion, jamais je ne suis malheureuse, car je te sens là, tout près de moi…
L’autre est mort, chaque jour il nous contemplait, il contemplait sa défaite et ne pouvait que se désespérer… Moi qu’il désirait si grotesquement, tant il était laid et moi si gracieuse, j’étais proche et pourtant à jamais inaccessible… car les amants véritables dans leur bonheur infini, rejoignent l’absolu des Dieux, ceux-ci nous ont compris et nous ont ravi à notre humaine condition. Nous sommes devenus pareils à eux, éternels, immuables, notre beauté inhumaine minéralisée, et le mortel a beau serrer ses poings, sa bouche se tordre de rage, ses subalternes ne cachant plus leurs sourires, ont peut-être dégaigné leur poignard, que sais-je, le tyran a vu sa défaite. La ligne de son horizon le nargue, c’est ma croupe parfaite, mes courbes sinueuses, chaque jour, il se plonge dans la contemplation de ce qu’il désirait ardemment, démultipliée à l’infini… un jour il s’aventurera peut-être dans les gorges des mes torrents, et là, ivre de colère ou de vin, il dévissera pour enfin me connaître… mes eaux noires le noieront avec délice, mon aimé et enfin nous pourrons célébrer notre victoire sur la mort, car les hommes tourneront sur nos flancs, comme le soleil dans le ciel, ils graviront nos pentes pour les redescendre entre quatre planches de bois, mais nous demeurons éternels, lointains mais si proches, et nous nous effleurons : mes pentes coulent vers toi, chaque pas des bergers me font frissonner, les bergères se baignent dans tes sources, nous sommes complices et de bonheur je m’étale, jeune fille pétrifiée, ouverte à la face du ciel…….

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